La France au temps des guerres de Religion (1562-1577)
En ce début avril 1562, en la maison du Conseiller Tolleron, rue de Cugnières, se réunissent, dans le plus grand secret, quelques âmes bien pensantes pour agir contre
Il faut imaginer ces sbires, rasant les murs, pour aller, en cette nuit du 9 avril, marquer d'une croix les maisons que l'on devait seulement piller et de deux croix celles dont on devait égorger les habitants. Pour cette basse besogne, les chanoines des villages environnants feront venir leurs ouailles (ils seront plus de 300) pour «ayder ceux de la ville à faire le saccagement et massacre.» (1)
Pourtant, malgré le massacre de Wassy qui vient d’avoir lieu, les protestants sont rassurés par l’édit de janvier 1562 : ne leur permet-il pas de célébrer leur culte, en toute sécurité, à l’extérieur des villes ? Alors, peut-être par excès de confiance, ils ont laissé s’éloigner la garde qu'ils avaient pris à leur solde pour garder leur Temple, situé au marché aux pourceaux, au dehors des murs de la cité.
Le massacre de Wassy gravure (Tortorel et Perrissin)
Le dimanche 12 avril une procession solennelle est organisée en l'église Saint-Savinien. Un nombre considérable de fidèles s’y rendent, tant de la ville que des villages voisins. Quand ils furent rentrés dans l'église, un moine jacobin appelé Begneti y prêche avec violence et rage contre les huguenots. Son appel est trop bien entendu. Une foule hurlante sort de l'église et se jette en armes sur le temple où les protestants se trouvent réunis pour leur office. Hommes et femmes attaquent les Huguenots, en tuent et en blessent le plus grand nombre. Les plus chanceux parviennent à prendre la fuite tandis qu’armés de pieux, de barre de fer et de masse, les bonnes âmes détruisent l'édifice religieux.
Aussitôt après, au son du tocsin de la cathédrale, la foule entre dans la ville et se met à saccager et à piller les maisons marquées au sceau de l’infamie hérétique. Le premier chez qui l'on pénètre est le conseiller Hodoard, personnage éminent et considéré, neveu du fondateur du collège de la ville. Magnanime, on se contente de le conduire dans les prisons de l'archevêché…
On passe alors aux demeures des conseillers Boulenger, Michel Boucher et Maslard, du prévôt Claude Gouste, de l'élu de la ville Jean Michel, de l'avocat Aubert, de l'imprimeur Richebois et du médecin Ithier. Sur les gravures de massacre, des artistes ont représenté, les cruautés du récit de Crespin : « A Sens, l'épouse de Jacques Ithier subit le tenaillement des seins, à la manière de sainte Agathe : l'ayant despouillée toute nue, luy couperent et cernerent les mamelles, et aveques des actes les plus vilains et infames qu'il est possible, en presence de deux siennes jeunes filles, la jetterent finalement en la riviere. »(2) Pour échapper au massacre, les malheureux habitants s'enfuient et se cachent. Richebois, retenu dans son lit par des blessures qu'il avait déjà reçues l'avant-veille, sera égorgé ainsi que sa femme, qui était sur le point d'accoucher. On ira même jusqu’à sortir l’enfant de son ventre pour l’égorger lui aussi. On ne sait jamais… Un autre médecin, le docteur Landry, est précipité des fenêtres de l’étage de sa maison et s’empale sur les pointes des hallebardes. Un certain nombre de huguenots, poursuivis par la meute, se réfugieront dans une maison-forte de la ville mais ils seront tous sont massacrés… La nuit fit trêve à ces actes de barbarie qui recommencent dès le lendemain matin pour durer neuf jours encore….
Neuf jours de haine et de sang. Pour ajouter à la vengeance et au mépris, on traine le corps dénudé de toutes les victimes à travers les rues de la ville pour aller les jeter dans l’Yonne. Pas de sépulture pour les impies. Ainsi, après le massacre de Sens, l'Histoire ecclésiastique rapportera que la Seine charriait des cadavres jusqu'au Louvre. L'un des cadavres passa sous les fenêtres de Charles IX. Alors qu'un noble expliquait au souverain qu'il venait du massacre de Sens, le cardinal Charles de Lorraine eut un geste de mépris : « Il se boucha le nez et dit que c'estoit une charongne qui sentoit fort mal ». (3)
Catherine de Médicis par François Clouet
Charles, cardinal de Lorraine (1524-1574)
(vers 1555), atelier de François Clouet. Chantilly, musée Condé
Le 19 avril 1562, Louis de Condé fit parvenir une lettre à Catherine de Médicis, accompagnée du récit du massacre de Sens afin de justifier sa prise d'armes en faveur des protestants : « Et de fait Madame, quand vous aurez entendu le piteux massacre n'agueres commis en la ville de Sens, sur une grand quantité de povres gens faisans profession de l'Evangile, dont la cruauté n'est moins horrible à escouter que le fait est inhumain et barbare, ainsi que plus amplement vostre Majesté le verra, s'il lui plait, par le discours ci enclos, lequel je vous envoye ». (3) Il sera assassiné par Montesquiou en 1569 à la bataille de Jarnac. Son cadavre, faisant l’objet de quolibets lancés par les catholiques, sera trainé sur un âne. Il est inhumé à Vallery.
Gérard DAGUIN
Documentation : Bernard Brousse, SAS, Virginie Garret, Cerep 5, rue Rigault Sens.
1, Bulletin de
2, Jean Crépin, Histoire des martyrs persecutez et mis à mort pour la vérité de l’Evangile.
3, Histoire ecclésiastique des Eglises réformées au Royaume de France.
La même année 1562, le 1er mars, le massacre de Wassy, une cinquantaine de protestants y furent tués...
Le massacre de Wassy est un évènement survenu le 1er mars 1562 à Wassy au cours duquel une cinquantaine de protestants furent tués, et environ cent-cinquante blessés par les troupes du duc de Guise. Cette affaire ouvre l’ère des guerres de religion en France.
Le massacre de Wassy intervient six semaines après la signature de l'édit de janvier 1562 par lequel le roi autorisait les protestants à se rassembler publiquement à l'extérieur des villes pour célébrer leur culte.
Le 1er mars, François de Guise, chef charismatique des catholiques, se rendant à Paris, passe avec son escorte à Wassy, en Champagne. Il apprend qu’une assemblée de protestants se tient dans une grange située à l’intérieur de la ville, ce qui constitue une entorse à l'édit de janvier. Envoyés sur place, ses émissaires reçoivent de la part des protestants un mauvais accueil. L’altercation dégénère en violence, les insultes et les pierres pleuvent sur les troupes de Guise. Arrivé entretemps sur les lieux, le duc est lui-même touché. L’assaut de la grange par ses troupes dégénère en massacre. Il fait chez les protestants une cinquantaine de morts, dont des femmes et des enfants, et environ cent-cinquante blessés.
Comme elle implique la responsabilité personnelle du duc François de Guise, ennemi du parti protestant, la nouvelle du massacre suscite aussitôt une immense émotion. Si François de Guise parle, dans ses lettres, d’un accident, dans chaque camp, les partisans de la guerre se persuadent au contraire d'une préméditation de sa part et se croient autorisés à lancer la lutte ouverte.
Le massacre de Wassy fit l’objet, dans chaque camp, d’une importante récupération politique. Jusqu’au xxe siècle, il anima la controverse entre historiens catholiques et protestants.
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Autre page du site consacrée au massacre des huguenots de 1562
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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021