Le couvent des Célestins, deviendra au cours du temps, un établissement scolaire. Il accueillera de nombreux élèves dont Stéphane Mallarmé qui lui donnera son nom.
Nous sommes en l’an de grâce, si l’on peut dire, 1345. Sacré à Reims le 29 mai 1328, Philippe VI, fils de Charles de France, comte de Valois, et de Marguerite d’Anjou, règne sur la France, inaugurant ainsi la lignée des Valois qui ne s’éteindra qu’avec l’assassinat d’Henri III. Surnommé le «Roi trouvé», ce sobriquet lui fut donné peu après son couronnement, lors de la bataille de Cassel en 1328, par les Flamands. Ces derniers, ayant un lion cracheur de feu pour emblème, s'étaient moqués de lui en peignant un coq sur leurs étendards avec cette inscription : Quand ce cocq icy chantera, le Roy trouvé cy entrera[.] Avant la bataille, il prononcera ces mots devenus célèbres : «Qui m’aime me suive ». Pour avoir vaincu le lion, le coq deviendra plus tard, un fier symbole français. L’accession au trône de Philippe VI découle d'un choix politique. Il est fait en deux temps : tout d’abord à la mort de Louis X Le Hutin en 1316 puis à celle Charles IV en 1328 qui ne laissent aucun héritier direct. Afin d'éviter que la couronne ne passe dans les mains d’Edouard III d'Angleterre, pourtant petit-fils de Philippe le Bel, Philippe VI, le «neveu», accède au trône par «faute de combattants males», en application de la loi salique. Il devient ainsi ce «Roi trouvé» ayant, parmi ses conseillers, un sénonais, Jean de Maisières. Mais en 1337, va débuter la Guerre de Cent ans qui entrainera misère, pillages, famine et plus tard guerre civile, entre Armagnacs et Bourguignons.
C’est pourtant en 1345, en période de lutte contre l’envahisseur et d’instabilité politique intérieure, que Jean de Maisières va, avec son épouse Isabelle, projeter d’élever, près de sa demeure sénonaise, une chapelle en l’honneur de la Vierge Marie. Ayant obtenu l’accord de l’archevêque de Sens, Guillaume II de Melun, ils firent bâtir l’édifice dans le haut de la rue de la Parcheminerie, l’actuelle rue Thénard. (1). Là, s’installèrent quatre prêtres-chapelains à qui, Jean Clément, chanoine de la cathédrale, adjoindra, l’année suivante, quatre «clercs-escoliers». Dix ans plus tard, le bon bourgeois rend son âme à son créateur et sa veuve obtient l’autorisation de l’archevêque d’y faire venir cinq moines Célestins. Mais bientôt, les revenus du couvent sont insuffisants pour subvenir aux besoins des religieux et en 1366, Guillaume de Melun permet aux Célestins de se constituer en «Collège et prieuré» et d’établir leur monastère. C’est là qu’Isabelle finira sa vie, en 1370, après avoir pris le voile. (1).
Au cours des siècles suivants, le couvent va subir de profondes modifications architecturales. En 1414, grâce au roi Charles VI, les Célestins acquièrent «le terrain où est leur basse-cour qui avait servi anciennement de cimetière aux Juifs, ainsi qu’un grand terrain qui porte leur nom». (2). Deux ans plus tard, on construit «une magnifique infirmerie et deux corps de logis de même beauté, le tout de briques et de pierre de taille». (1). Après la longue occupation de la ville par les Anglais, les travaux vont se succéder à nouveau, tant pour édifier le cloître, rebâtir la chapelle, la sacristie ou une aile que pour installer les stalles des religieux et poser les vitraux réalisés par Jean Hympe. En 1521, le monastère Notre Dame «auquel couvent a esté mis le feu et a esté brulé la plupart des édifices par deux fois depuis le dernier dénombrement baillé et a esté réédifié par les aulmônes des bienfaiteurs dudit couvent auquel sont aujourd’hui 27 religieux».
Rares sont les lieux sacrés sans légendes : en 1586 meurt un riche bourgeois de la ville, Claude Séjournant. Inhumé d’abord à St-Pierre le Rond, alors qu’il avait souhaité l’être aux Célestins, il reviendra hanter sa maison jusqu’à ce que son cœur soit transporté dans le Chapitre du monastère. Au seuil de la chapelle on peut toujours voir une pierre tombale où il est gravé : «ICI A ESTE MIS LE CVEVR DHONORABLE HOMME MAISTRE CLAUDE SEJOURNANT EN SON VIVANT GREFFIER ET PROCVREVR AV BAILLAGE DE SENS NATIF DE LANGRES LEQUEL TREPASSA LE 16 JOUR DE NOVEMBRE 1586». (3).
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Entre 1735 et 1739 on construit l’actuelle chapelle. Dans les années suivantes vont se succéder incendies, démolitions, reconstructions, agrandissements et améliorations notamment à la fin du XVIIème siècle où une poterne sera percée dans les remparts. Une amélioration qui s’avérera désastreuse par la suite. Mais le nombre de religieux diminue tellement qu’en 1778, ils ne seront plus que quatre, les poches aussi vides qu’une corbeille un jour de quête au milieu d’anarchistes. Cette année là, par lettre, Loménie de Brienne, futur archevêque de Sens, les informe que tout est convenu pour céder leurs bâtiments à l’Hôtel Dieu pour une somme de 40 000 livres. Une fois de plus, la messe est dite et le Cardinal de Luynes signe le texte définitif de la dissolution du couvent. Mais l’Hôtel Dieu n’intégrera jamais la place. C’est le grand séminaire qui occupera les lieux avant que, sous la Terreur, le monastère ne devienne Maison d’Arrêt. Sous le 1er Empire, le collège sera rétabli.
En 1814, la ville sera prise par les troupes du Prince de Wurtemberg. A cause de la poterne du collège : «Le 10 février, le prince royal de Wurtemberg parut aux portes de Sens avec une partie du quatrième corps. Le soir même il fait attaquer les faubourgs par son infanterie légère, s'en rend maître, et somme le général Alix de se retirer. (…) Le lendemain tout le quatrième corps étant réuni, le prince royal essaie d'enfoncer les portes à coups de canon; il les trouve barricadées et murées. Il fait jeter alors dans la ville quelques obus, et le feu se manifeste aussitôt dans plusieurs quartiers. En vain les habitants implorent le général Alix pour qu'il cesse une défense qui entraîne leur ruine; ce général persiste, et menace de faire fusiller quiconque proposeroit de se rendre. Le prince royal alloit renoncer au projet de prendre Sens de vive force, quand ses soldats découvrirent une poterne mal fermée tenant au jardin du collège qui donne sur les boulevards. Le huitième régiment Wurtembergeois s'empare le premier de l'enceinte du collège; là il trouve un adossement maçonné, et tout l'édifice rempli de troupes. (…) Les alliés recevant sans cesse des renforts, surmontent enfin tous les obstacles, prennent d'assaut le collège, et commencent à déboucher dans la ville… (4). En 1833, le calme revenu, s’y adjoint, pour quelques années, l’Ecole Primaire Supérieure. Le 4 avril 1854, Napoléon III, Empereur depuis deux ans, élèvera le collège au rang de Lycée Impérial.
Gérard DAGUIN
Documentation : Bernard Brousse SAS, Virginie Garret Cerep, 5, rue Rigault Sens.1 Denis Cailleaux, Histoire du monastère Notre Dame des Célestins de Sens.2 Théodore Tarbé, Recherches historiques sur la ville de Sens.3 Paul Quesvers et Henri Stein, Inscriptions de l’ancien diocèse de Sens.4 Alphonse de Beauchamp, Des campagnes, 1814,1815.
L'Ordre des Célestins
Les célestins portaient une tunique blanche, un scapulaire noir, un capuchon à collerette. En raison de leur scapulaire noir qui formait comme un trait noir sur leur robe blanche, ils furent également appelés «Les barrés».
Il est fondé en 1264 par Pierre de Moron. D'abord appelés frères du Saint-Esprit les moines furent connus plus tard comme Célestins lorsque leur fondateur fut élu pape (1294) et pris le nom de Célestin V. À l'origine ces religieux étaient membres des Ermites de saint Damien, ou frères du Saint-Esprit. L'ordre est officiellement approuvé en 1274 par le pape Grégoire X. Célestin V, en approuve les Constitutions en 1294. Le nom de Célestins fut donné aux membres de l'ordre. Ils furent introduits en France par Philippe le Bel en 1300. Celui-ci tenait à exalter la mémoire de Célestin V au détriment de son successeur, le pape Boniface VIII avec lequel il est en conflit ouvert. En 1365, Charles V[] pose, à Paris, la première pierre du monastère des Célestins qui sera consacré en 1370 par l'archevêque de Sens, Guillaume II de Melun. Au XVIIIe siècle, l'ordre n'a plus assez de vitalité pour résister aux pressions de la commission des réguliers qui lui interdit en 1769 de recevoir des novices. Il est supprimé en 1778, à cause de la corruption qui s'y était développée.
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021