La place prédominante que va prendre l’Eglise au cours des siècles va transformer la ville en fonction des nouvelles institutions. Ce qui va entraîner une profonde transformation de la cité.
Suaire de St Victor : soierie byzantine datée des VIIe ou VIIIè siècle,
contemporaine du transfert du corps de martyr à Sens en 769. (Photo JP Elie, Musées de Sens)
Qu’elle ait de véritables attaches avec la ville antique, qu’elle soit une création née du renouveau de l’économie marchande ou qu’elle ait été une place dominante de l’Eglise, il n’en reste pas moins vrai que la ville occupe le même site depuis que l’homme a décidé de s’y installer. En choisissant le carrefour des axes Nord-Sud et Est-Ouest et la proximité de la rivière, la ville se devait d’être une place importante. Une inscription latine relative à Caius César, petit- fils et héritier d'Auguste, mort en l'an 4, montre que dès le début de notre ère, la cité gauloise des Sénons avait pu élever un monument lié à la famille impériale (1). Bien des historiens s’accordent à penser que Sens doit son développement à la colonisation romaine du Ier siècle de notre ère et qu'une «ville neuve» fut établie, vers 40-50, sur la rive droite de l’Yonne. Elle était formée d’un quadrillage de rues et de ruelles, organisé à partir de deux voies principales, le cardo, orienté Nord-Sud (la rue Beaurepaire) et le decumanus (la rue Thénard et la rue Charles Leclerc). Un quartier fut également fondé sur la rive gauche de la rivière sur l’île d’Yonne. A partir des années 120-140, l’aspect de la ville évolue : la pierre et la brique remplacent le bois et un amphithéâtre est bâti au nord-est de la cité (la rue des Arènes) où l’on offrait jeux et combats de gladiateurs. Ainsi, la cité appelée Agendicum, Agedicum ou Agetincum selon les sources, prospéra jusqu’au milieu du IIIème siècle. A la suite des invasions germaniques des années 275 - 276, les quartiers périphériques furent détruits et les matériaux des monuments publics utilisés pour l’édification d'une puissante enceinte fortifiée. La ville fermée du IVème siècle fut désormais désignée sous le nom de Senones ou civitas Senonum. Dans le même temps, les Sénonais se convertissaient au Christianisme comme l’atteste la liste des signataires du Concile de Cologne où figure celle de Severinus, évêque de Sens en 346. A la fin du siècle, vers 385, la cité fut choisie comme chef lieu d’une nouvelle province administrative, la IVème lyonnaise ou Grande Sénonie dont l’un des premiers gouverneurs fut un chrétien, Claudius Lupicinus. (2)
Il semble qu’une catastrophe ait frappé la ville au début du Vè siècle entraînant la destruction presque totale de la cité. Ce que l’on présume , d'après les fouilles archéologiques , c’est que la muraille, au Vè siècle, ne protégeait qu’un espace presque vide de construction ou un champ de ruines, à l’exception de trois quartiers, le secteur ouest, près de la rivière, la partie est de la cité et les abords de la cathédrale actuelle.
Morceaux de la Vraie Croix, offert par Charlemagne. (Coll Tiziou pour SER)
Jusqu’au VIIIé siècle, il semble que seuls quelques îlots habités soient dispersés à l’intérieur de l’enceinte, concentrés autour de ce qui deviendra la Grande rue, de l’axe Nord-Sud et du centre religieux, au centre ville. Près des sanctuaires précédant la cathédrale, s’élevait la maison de l’archevêque qui, au Moyen-âge, était un centre d’activités, ainsi que le quartier Sud-ouest et la partie haute de la Grande rue, comme en témoignent des mosaïques découvertes dans le terrain de l’école Thénard. Quelques voies antiques étaient toujours actives : celle qui allait du quartier cathédral vers la porte Est de l’enceinte et qui menait à l’ouest vers un gué ou un pont et celle dirigée selon un axe Nord-sud (la rue de l’Ecrivain et son prolongement). Une autre voie était encore fréquentée (la rue de la République) qui toutefois ne dépassait pas l’angle de la Grande rue, buttant sur les habitations qui bordaient la place. A l’époque des mérovingiens, qui régnèrent sur la France du Vè siècle au milieu du VIII è, des sanctuaires religieux existent à la périphérie de l’enceinte : au sud, un monastère dédié à St Rémy, au nord, l’abbaye de Ste Colombe, à l’ouest, dans l’île d’Yonne, un monastère devenu St Maurice, à l’est, trois sanctuaires fondés avant le Xè siècle, l’église St Gervais, le monastère St Jean et la basilique Ste Marie-de-la-Porte. Plus loin, on trouvait l’abbaye de St Pierre-le-Vif, les basiliques St Sérotin et St Savinien. Telle est l’image que l’on peut avoir de l’extérieur de la cité, sans oublier les arcades de l’amphithéâtre (conservées jusqu’au XVIIé siècle), les vestiges du vaste complexe de la Motte du Ciar (le Camp de César) et les nécropoles antiques le long de la voie Sens-Troyes.
La Sainte Coupe : ciboire de vermeil, battu au marteau. (Coll. Tiziou pour SER)
Peigne liturgique de St Loup, évêque de Sens de 609 à 623. (Photo JP Elie, Musées de Sens)
Vint l’ère de Charlemagne et de sa barbe fleurie qui va marquer la ville par l’édification de nouveaux édifices religieux. A l’extérieur des murs, sur la route de Paris, l’église St Didier, sur la route de Troyes, l’église St Sauveur, devenue St Savinien et sur la route d’Auxerre, l’église St Paul. «A l’exception de St Didier, proche de la muraille, les nouvelles églises étaient situées à une distance d’environ 3000 mètres de la cité et formaient, avec la basilique plus ancienne de Ste Colombe une couronne de prière disposée en demi-cercle sur la rive droite de l’Yonne.»(2) A l’intérieur de l’enceinte, un sanctuaire dédié à st Benoît, fut érigé près du quartier épiscopal et une église, dédiée à Sainte Colombe, fut dressée au carrefour des deux grandes voies intérieures (Grande rue et rue de l’Ecrivain). Enfin, une troisième fut élevée à l’est, au voisinage d’une tour qui lui donnera son nom, St Pierre-le-Donjon.
Gérard DAGUIN
Documentation : Bernard Brousse SAS, Virginie Garret Cerep, 5, rue Rigault Sens. 1. Bertrand Debatty: Une dédicace à Caius César découverte à Sens. 2, Denis Cailleaux, De la ville antique à la cité médiévale : Sens au IVè - Xè siècle.
St Rémy : L'abbaye était située hors de la ville, au Sud-ouest. Le monastère, bâti dans l’enceinte actuelle de l’école du Cours-Tarbé, fut transféré par l’archevêque Aldric en 833 à Vareilles . Il fut saccagé par les Normands et rétabli à Sens .L'abbaye fut détruite au XIV è siècle lors de la mise en défense de la ville. Elle fut remplacée par une simple chapelle qui subsistait encore au XVIIè siècle.
Ste Colombe : L'abbaye royale fut fondée en 620 par Clotaire II et l'évêque saint Loup sur le tombeau de la vierge Colombe. Charlemagne confirma les possessions de l’abbaye en 804. Détruite après le passage des Normands, elle fut reconstruite au IXè siècle puis au XIIè avant d’être totalement démolie à la fin du XVIIIè. Une chapelle du XIXè occupe l’emplacement du sanctuaire médiéval.
St Jean : Cette abbaye subsista jusqu’à la Révolution. L’abbatiale des XIIIè – XVIIè siècles, est encore conservée (Chapelle de l’ancien hôpital) ainsi que les bâtiments conventuels.
St Pierre le Vif : Monastère établi sur la voie romaine Sens-Troyes. Ce monastère attirait les donateurs et les personnages pieux qui souhaitaient être inhumés dans son enceinte. A partir de 847, l'abbaye recueillit diverses reliques et corps saints.
St Savinien : Basilique proche de St Pierre-le-Vif établie sur une nécropole de l’Antiquité tardive et à l'emplacement du martyre du premier évêque de Sens. Cet édifice à traversé les âges.
Ste Colombe du Carrouge : Cette église aurait servi de refuge pour les reliques de Ste Colombe menacées par les raids normands. Elle tirait son surnom «carrouge» de sa position au carrefour des principales voies de la ville, au croisement de l’actuelle Grande rue et de la rue de l’Ecrivain. Elle fut détruite à la Révolution.
St Pierre le Donjon : Dépendance de St Pierre-le-Vif, elle servit de refuge aux reliques de ce monastère en 937 lors d’une attaque des Hongrois. La paroisse fut supprimée au XVIII° siècle et l'église fut alors démolie.
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021