Sens, Agiedic pour les Gaulois et Agendicum pour les Romains est l’une des plus anciennes et des plus célèbres métropoles des Gaules. Sous la domination romaine la ville fit partie de la province lyonnaise et fut administrée par un procurateur. La ville d’alors possédait un grand amphithéâtre (les Arènes), des termes et des temples consacrés aux divinités romaines. (1) Face au déclin de l’Empire Romain, les Alamans envahirent une partie des Gaules en 275 et occupèrent les villes les plus riches du pays. Sens, vaincu, dû subir la loi des invasions et attendre l’an 277 pour être libérée. La frayeur inspirée par les envahisseurs était telle qu’on s’empressa de démolir les amphithéâtres, les tombeaux et certains temples pour construire, vers l’an 300, autour de la ville, de hautes murailles. Au IVe siècle de notre ère, Sens devint la capitale d’une province romaine, la Sénonie, qui comprenait, outre la métropole de Sens, les villes de Chartres, Auxerre, Meaux, Paris, Orléans et Troyes. Mais un siècle plus tard, les Francs, les Burgondes, les Vandales et autres Barbares parcoururent et dévastèrent les Gaules malgré la présence des Romains. Les villes succombèrent à la loi des plus forts et cette domination ne fut plus contestée après la conversion de Clovis au catholicisme en 496. C’est à l’époque des mérovingiens que fut crée l’évêché de Nevers et qui fut rattaché à la province de Sens. De fait, l’Eglise catholique superposa presque partout sa hiérarchie aux divisions administratives romaines. La métropole ecclésiastique de Sens eut alors pour suffragants, les évêques des cités comprises dans sa province civile. Les initiales de ces sept villes forment le mot CAMPONT que l’Eglise de Sens porte dans ses armes avec huit crosses symboliques.
Pendant ces siècles, peu à peu, le christianisme prenait le pas sur les dieux païens. De nombreux documents attestent que l’Eglise de Sens fut l’une des premières églises fondée chez les Celtes ou Gaulois du centre. En l’an 180, l’évêque de Lyon, saint Irénée, invoquait La tradition doctrinale des églises fondées chez les Celtes et dans les deux Germanie, comme un argument concluant contre les hérétiques de ce temps. (2)
Carte
La Sénonie romaine qui deviendra la province ecclésiastique de Sens
après le rattachement du diocèse de Nevers au VIè siècle.
UN ENSEMBLE DE CATHEDRALES
« Le bienheureux Pierre, voulant convertir les Gaules à la foi chrétienne, choisit pour cette œuvre Savinien et Potentien et leur adjoignit Altin. Sens était alors la plus célèbre ville des Gaules et la métropole d’une province considérable. Un riche Sénonais, Victorin, les reçut dans son habitation, située à l’extrémité du faubourg appelé le Vicus de Sens et fut bientôt récompensé par le don de la foi. Ses miracles et ses prédications convertissent plusieurs Sénonais, notamment Sérotin et Eoald, auxquels Savinien confère le diaconat. Encouragé par ces premiers succès, il détruit le temple d’idoles du centre de la cité et le remplace par trois oratoires qu’il consacre, l’un à la Vierge Marie, l’autre à Saint Jean Baptiste et le troisième à Saint Etienne ». (3)
D’autres sources donnent une version plus romancée de l’histoire. Se référant au Ier siècle, on écrit que « Vers l’an 73 de l’incarnation du Seigneur, d’autres disent au commencement de l’an 74, le bienheureux Savinien, qui d’un autre bourg de la ville, du bourg appelé le Vif, gouvernait l’Eglise de Sens, entra dans la ville. Or il y avait dans la même ville, environ au milieu, plus cependant du côté de Paris que du côté d’Auxerre un très grand temple de faux dieux, dans lequel diverses idoles étaient adorées et, dit-on, une statue dédiée à Mercure. C’est vers ce temple qu’il se dirige au milieu d’une foule de fidèle. En leur présence, devant une foule de païens, il adresse une prière au Seigneur et, à la fin de sa prière, le temple s’écroule et les idoles disparaissent avec tous les matériaux et les murailles. Cela fait, il construit trois églises sur le même emplacement : celle du milieu en l’honneur du premier martyr Etienne, l’autre à droite en l’honneur de la bienheureuse Marie, Vierge et mère, la troisième en l’honneur de Saint Jean-Baptiste ». (3)
D’autres écrits datant de 613 montrent que « les trois chapelles formant la cathédrale primitive étaient isolées et séparées les unes des autres car on voit dans la vie de Saint Loup qu’il rencontra saint Willebaud dans le passage entre Notre Dame et Saint Etienne ». Vers 840, on note : « quant à l’église de Saint Etienne qui était d’une grande vétusté, Wenilo la rénova, lui redonna sa splendeur première et en célébra la dédicace le 10 décembre ». Puis en 841 : « Wenilon fait rebâtir les trois chapelles de St Etienne, St Jean et Notre Dame : elles tombaient alors de vétusté, mais ce prélat les fit rebâtir et relever à ses frais et en fit la dédicace en l’honneur de la Sainte Croix le 4 des ides de décembre de l’année 841 ». (3)
Les années 927-932 verront le pontificat d’Aldaldus « qui fit reconstruire l’église de la Bienheureuse Marie dans la cathédrale de St Etienne. Il mourut en 937, le 25 septembre et fut inhumé dans l’église de Sens entre le grand autel et celui de St Pierre et de St Paul ». En 962, on note encore que « au mois de juillet, furent incendiées les basiliques de St Etienne, de St Jean et de Ste Marie dans la cathédrale…. Après l’incendie, la basilique St Etienne s’effondra jusqu’aux fondations. Mais le mois suivant, le 19 août Archambaud commença la reconstruction du cœur de St Etienne, en achevant complètement les cryptes ». Vint le pontificat d’Anastase qui restaura autant qu’il put la basilique St Etienne achevant les chancels et la moitié de l’église. En 982, Sevin conduit l’achèvement des travaux et en célébra la dédicace officielle le jeudi 5 octobre avec ses suffragants, Herbert évêque d’Auxerre, Milon évêque de Troyes et Roclène évêque de Nevers.
L’an 1000 passé, avec son cortège de peur et de superstitions, laissa la place à de nouveau travaux : « En 1122, soit que les ouvrages eussent été faits à la hâte, soit qu’ils eussent été conduits par de mauvais constructeurs, l’église menaça de ruine et Daimbert, archevêque de Sens, la fit réparer. Ce fut aussi sous son épiscopat que l’on réunit, au moyen des bas-côtés, les chapelles de Notre Dame et de St Jean à la mère église. Ces deux chapelles ont eu longtemps chacune un portail libre et apparent, en face de l’autel…. ». En fait, il fallut attendre le pontificat d’Henri Sanglier (1122-1144) qui entreprit de reconstruire la cathédrale. Vers 1135, il décide de remplacer la cathédrale du Xe siècle, par un édifice grandiose et digne de l'importante métropole sénonaise. Au moment où s'élèvent partout des constructions romanes, Henri Sanglier appelle un architecte novateur « le Maître de Sens » qui va proposer une conception révolutionnaire du voûtement, la croisée d'ogives.
Naît alors une cathédrale ample, d'un volume simple et continu, constituée d'un vaisseau central et de deux collatéraux. Il fut suivit par le pontificat d’Hugues de Toucy (1144-1168) qui « la termina pour ainsi dire : du chêne le plus pur il fit faire à ses frais des stalles pour le cœur et les vit presque achevées…. ». (3)
En 1164, un autel du sanctuaire est consacré par le pape Alexandre III (réfugié à Sens de 1163 à 1165[]). Mais le chantier est loin d’être fini : si une grande partie de la nef et des chapelles sont terminées, restent à construire la façade et les tours.
Gérard DAGUIN
Documentation : CEREP, Société Archéologique de Sens, Bernard Brousse. Notes : 1. TH. Mémain, Sens, histoire et description. 2. Abbé H. Bouvier, Histoire de l’Eglise et de l’ancien Archidiocèse de Sens. 3. Tarbé, L’église cathédrale, métropolitaine et primatiale Saint Etienne de Sens.
Plan de la cathédrale
Bien que sa construction se soit étalée sur près de quatre siècles, la cathédrale St Etienne présente une exceptionnelle unité structurelle. Les masses externes sont caractérisées par la sobriété des volumes et les tours sont intégrées à la façade occidentale. Seule la chapelle qui s’ouvrait dans l’axe du déambulatoire et les deux chapelles orientées, St Jean-Baptiste et Notre Dame, disposées parallèlement aux bas côtés nord et sud, entamaient cette continuité essentielle. Le transept Nord-sud n’existe pas encore. (Dessin de Daniel Jérôme d’après le plan du XIIe siècle restitué par L. Bégule. A noter que sur cette version, la chapelle St Savinien a retrouvé sa forme rectangulaire d’origine).
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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021