Depuis les premiers jours de sa création Sens a toujours été une cité administrative, un centre religieux et un centre marchand.
Rien d’étonnant à ce que les temps forts de la cité coïncident avec les jours de marché.
Halles aux poissons
Avant la construction du marché couvert, la halle aux poissons s’élevait devant le Palais Synodal. (Coll. SAS)
En 1802, des pétitions furent adressées au préfet pour demander le rétablissement des marchés «aux dates où ils avaient été antérieurement fixés». Le vœu des habitants et des commerçants fut exhaussé puisque, sur lettre du préfet, le maire, considérant l’intérêt général arrêta «qu’a compter du lundi 11 prairial du courant, les marchés de la ville se tiendront les lundis, mercredis, vendredis et samedis de chaque semaine. Les trois premiers sur la place de la Fraternité, ci-devant du Samedi. Le marché aux chevaux et bestiaux se tiendra à l’ordinaire au ci-devant Clos-le-Roi, tous les lundis. Et celui aux porcs, tenu les samedis, au lieu où il se tient d’ordinaire, hors de la ville et près de la porte ci-devant Dauphine. Tous les citoyens, cultivateurs, négociants et marchands sont invités à fréquenter les marchés. Ils y trouveront sûreté et protection». (1) Une ordonnance du 18 floréal suivant précisera que les marchands de poissons frais, de marée fraîche et de marée salée étaient tenus (sauf le samedi) de vendre leurs marchandises sous la halle aux poissons, adossée au Palais Synodal. Le marché à la volaille se tiendra lui, en notre actuelle place du Marché aux Porcs. Devant la Caisse d’Epargne, celui des pailles et des fourrages.
Peu à peu, les marchés se recentrèrent place de la Cathédrale, au grand dommage de celui de la place du Samedi. Des marchés qui se tenaient en plein air, hors ceux abrités par l’Hôtel-Dieu. On y trouvait pêle-mêle des marchands de grains, de fruits, de légumes, de beurre, d’œufs, de fromages, de pains et de gâteaux. De nombreux corps de métiers étaient également représentés : fripiers, cordonniers, ferrailleurs, merciers, bonnetiers, vendeurs de laine, cordiers, vanniers, sabotiers, potiers ou faïenciers. A partir de 1837, ils furent regroupés place Drapès. Une tradition qui perdure encore de nos jours. C’est à cette époque que la municipalité de Louis Parent envisagea de démolir l’ensemble des bâtiments de l’Hôtel-Dieu pour construire de véritables halles. Ce projet ne se réalisera qu’à moitié et il fallu attendre 1863 pour que la halle à la viande (ex chapelle de l’hôtel-Dieu) soit mise à terre. Seule la grande salle de l’édifice subsistait.
La désastreuse guerre de 1870 passée, la municipalité sénonaise se pencha, une fois de plus, sur la réorganisation des marchés. Il devenait urgent, après la destruction d’une partie de l’Hôtel-Dieu, d’offrir un toit définitif aux commerçants. En 1878, la municipalité Dupêchez décida d’un projet de halles neuves. Ce futur marché devait comprendre, sur caves voutées latérales, un rez-de-chaussée et une galerie. L’édifice serait construit en maçonnerie et en briques, ventilé par des châssis mobiles ménagés sur trois grandes faces, couvert par une charpente en fer. Il devra ouvrir à six portes et six escaliers sont prévus pour accéder à la galerie. En fait, il n’y en aura que quatre. Le concours est lancé le 12 novembre 1878. Treize projets sont reçus et le 20 avril de l’année suivante le jury se prononce en faveur de deux architectes sénonais, Horace Lefort et Benoni Roblot. Le Conseil municipal entérine le vote du jury, dont le choix avait reçu l’agrément du Ministère des travaux publics, en précisant «qu’ils ont (les architectes) adopté un système de construction métallique en grand honneur en ce moment». (3). De son côté, la ville va ouvrir la rue Gambetta en démolissant une maison qui faisait barrage entre la rue du Plat d’Etain et la rue des Bourses, actuelle rue Etienne Mimard.
C’est un entrepreneur parisien, M. Moissan qui va emporter le marché de la construction le 8 juillet 1880. Les travaux, hors aménagement intérieur devront être achevés pour le mois d’octobre de l’année suivante. Le temps de peaufiner quelques détails et de gérer le maigre retard de construction, l’inauguration du marché aura finalement lieu le 15 juillet 1882. La municipalité voulait bien faire les choses : la manifestation se situera entre les festivités du 14 juillet et l’inauguration du nouveau théâtre, le 16. Mais las, pas de ministre, pas de préfet, pas un parlementaire, sauf Victor Guichard. Tout cela à cause du maire, René Vidal, impliqué dans une affaire bancaire parisienne…. (2)
Bientôt, Gustave Eiffel va faire élever la célèbre tour qui porte son nom pour l’Exposition universelle de Paris de 1889. Déjà, entre 1852 et 1870, Victor Baltard avait révolutionné le «Ventre de Paris» en élevant 10 pavillons audacieux pour l’époque destinés à assainir le marché parisien. Il en ira de même à Sens ce qui vaudra cette réflexion en 1885: «Cette réalisation est la plus utile et la mieux réussie des constructions municipales même si il faut regretter que les architectes n’aient pas suivi exactement l’axe de la cathédrale. L’édifice est élégant, vaste et bien approprié pour sa destination. Un premier étage en galerie fait le tour de l’édifice à l’intérieur. Cette galerie augmente d’un tiers la surface utile du marché et lui donne une vie et un caractère des plus intéressants». (4)
En construction
Sa structure métallique, conçue par Lefort et Roblot, a quelque peu étonné les sénonais. (Coll. SAS)
Vue façade du marché
Le marché couvert au début du siècle dernier. (Coll.SAS)
Vinrent les années 1960 où la municipalité en place envisagea de détruire le marché pour en construire un nouveau rue René Binet. La décision fut prise par dix-neuf voix contre une au conseil municipal du 7 février 1964. Mais face à l’opposition farouche du Syndicat commercial, du Syndicat d’initiative et celui des commerçants non sédentaires, les halles restèrent en place, au cœur de la ville. Témoin privilégié de l’Histoire, Etienne Dodet précise que «le 29 octobre 1975, à la suite de démarches du maire, le marché était inscrit à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques. Voilà qui le sauvait définitivement de toute velléité de destruction».
Gérard DAGUIN
Documentation : S.A.S Bernard Brousse, Virginie Garret, Cerep Sens. 1. Etienne Dodet, Sens au XIXè siècle. 2. Etienne Dodet, Il y a cent ans : le marché couvert de Sens. 3. Denis et Louis Cailleaux, Sens de la belle Epoque à la libération. 4. Th. Mémain, Le nouveau guide des voyageurs dans la ville de Sens.
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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021