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Une dernière semaine de liberté du 8 au 15 Juin 1940

Ce fut, pour les Sénonais, leur dernière semaine de liberté.

Elle fut néanmoins tragique.

En ce 8 Juin 1940, il fait beau. A la gare, chacun vaque à ses occupations. En fin d’après midi, un vrombissement provenant d’une formation de trois avions venant du Sud attire le regard des agents de manœuvre. En fait, ils seront 14 appareils. Et puis, le chaos. « Un bruit infernal, des éclatements, la terre tremble, les vitres volent en éclats, une pluie de plâtre, de terre, de pierres et de débris dans un nuage de fumée », dira un témoin. Maintenant, le silence. Un silence assourdissant. L’horloge de la gare qui s’est arrêtée indique 17h27.  Bientôt, on aperçoit des flammes. Des brancardiers s’approchent au milieu des rails et des cratères fumants pour sauver les blessés. Plus loin, le poste de garde n’est plus que ruines. Autour d’eux, des corps calcinés. Là encore, d’autres sont atteints par des éclats. Le poste de secours et les infirmières sont débordés. La gare brule ainsi que les annexes. Mais pire encore : des wagons sont en feu et celui-ci menace d’atteindre un convoi de 27 citernes d’essence. Grâce à l’intervention de quelques hommes courageux, trois seulement bruleront. Au moment de l’attaque, 900 wagons étaient stationnés. 85 furent détruits et 232 fortement endommagés ainsi que les voies rendues inutilisables. Il faudra travailler toute la nuit pour que le lendemain la circulation, sur une seule voie, soit rétablie. Le 10, le trafic ferroviaire sera de nouveau opérationnel. Ce jour là 52 bombes ont atteint leur cible, la détruisant par choc, incendie ou souffle. Dix autres points d’impacts ont été relevés dont celui d’une bombe qui fit d’énormes dégâts à l’usine à gaz, coupant le courant électrique. Au cours de cette attaque, 9 soldats seront tués ainsi que 5 civils et 11 agents des chemins de fer blessés.

 17h 27, le 8 juin 1940. La gare vient d'être bombardée

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Deux jours après, le 10 Juin, les réfugiés se bousculent sur les promenades. On s’arrête pour se ravitailler, pour se reposer. Ils viennent des villes et des villages de la Meuse, des Ardennes ou du Nord. Fourbus, hagards, ils arrivent en voiture, en charrette, en vélo ou à pied. Monsieur Lazare Bertrand se dépense sans compter. A la cantine scolaire, sur les promenades, il est assailli par tous ces malheureux affamés, à la recherche d’un proche, d’un ami, d’un parent. D’un coup, une alerte. C’est la 30e qui va durer de 13h45 à 14h15. L’habitude est prise : courses effrénées, pagaille monumentale pour se diriger vers les abris. La cantine de la gare ravitaille elle aussi jour et nuit les trains de réfugiés. La ville entière se serre les coudes et les recueille du mieux possible. En fait, ils seront plus de 60 000 à trouver un asile provisoire à Sens avant de reprendre la route. Pour quel avenir ? Dieu seul le sait.

Le lendemain, 11 Juin, on apprend que l’Italie vient de déclarer la guerre à la France. On accueille aujourd’hui les évacués de la Marne qui dorment comme ils le peuvent sous le marché couvert et dans la cathédrale, jonchée de paille jusqu’au transept.

Nous sommes désormais le 13 Juin. La foule des réfugiés augmente encore. C’est au tour des autobus parisiens. Les promenades sont gorgées de ces gens d’un voyage forcé. Le centre d’accueil du boulevard du mail est comble ainsi que la maison des Œuvres, l’école des jeunes filles, l’archevêché et les communautés religieuses. A l’hôpital, les couloirs et la chapelle sont devenus des lieux de soins. Ce jour là, beaucoup de sénonais quittent la ville. Cette nuit là, la nouvelle se répand de portes en portes : « Il faut se sauver, les Allemands sont à Romilly ».

Dans la matinée du 14, le personnel soignant et les autorités locales se hâtent d’évacuer les malades et les blessés. Parmi les militaires qui traversent la ville se trouve un détachement de l’armée belge qui passe dans un ordre parfait. Pour ceux qui sont restés, plus de pain pour le lendemain : les boulangers ont quitté la ville. En début d’après-midi, les militaires reçoivent l’ordre d’exécuter un mouvement de repli ce qui active l’exode des sénonais. Vers 17h, le village de Pont sur Yonne est bombardé. Bientôt arrivent de nombreux blessés. En fin d’après-midi, des motocyclistes allemands sont signalés à la ferme des Popelins et aux abords de Saint-Clément. En ville la panique est à son comble et force les plus déterminés à partir. On va profiter de la nuit pour échapper au danger que l’on pressent pour les jours à venir. A la nuit tombante, des blindés français et des artilleurs s’installent près des ponts de l’Yonne, sur l’île et près du Pont de Fer. Car le but est Allemands est clair : s’emparer tout d’abord des ponts de la ville. Depuis plusieurs jours, les dispositifs sont préparés et bientôt, les pétroles sont en flammes retardant le départ des trains vers Laroche-Migennes. Les dépôts Desmarais et Jupiter brûlent. Route de Paris, à la C.I.P., on n’a pu enflammer les réserves. La ville est presque devenue une ville fantôme. Ne restent à Sens que de 6 à 800 habitants plus les communautés religieuses : Bon Pasteur, Dominicaines, Sœurs de la Providence, Samuels, Orphelinat, Sœurs de Sainte-Colombe, Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, ainsi que Mgr Lamy et quelques autres prêtres. Restent encore des réfugiés n’ayant pu continuer leur voyage, trop faibles, malades ou blessés et une partie du corps médical. En tout et pour tout, un peu plus de 1000 âmes.

Dans la matinée du 15, la ville va être bombardée. Cette fois, « Ils » sont là.

Gérard DAGUIN

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Date de dernière mise à jour : 02/07/2021

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