Henri II, voulant être le maître absolu, tant de son royaume que de l’Eglise voulut se débarrasser des privilèges du clergé anglais. Becket lui parut comme l’instrument adapté pour accomplir ses desseins, se montrant alors dévoué aux intérêts de son roi. Théobald, allant rejoindre un autre monde, en 1162, Becket fut nommé pour le remplacer. Avait-il retourné sa chasuble ? Toujours est-il que dès qu’il fut aux affaires, une transformation radicale s’opéra en lui à la stupéfaction de tous. Le courtisan d’humeur plutôt joyeuse fit place à un prélat ascétique, prêt à soutenir jusqu’au bout la cause de la hiérarchie. Devant le schisme qui divisait l’Église, (voir encadré) il se déclara pour le pape Alexandre III qui partageait ses idées. Henri II convoqua une assemblée à Clarendon le 30 janvier 1164 où il voulu, une fois de plus, imposer ses idées. Becket, résolument contre ces propositions refusa de se plier aux ordres du Roi. La guerre entre les deux pouvoirs était déclarée.
Thomas Becket par un artiste inconnu, gravure du 17e siècle
National Portrait Gallery, Londres
Le 13 octobre, Becket, mis en jugement devant ses pairs leur dénia le droit de le juger et s’exila. Le 2 novembre 1164, il embarque sur un bateau de pêcheurs et débarque à Gravelines. Il rencontre Louis VII à Soisson puis se rend à Sens auprès du pape Alexandre III, en rupture de Saint-Siège, qui avait été accueilli l’année précédente par l’archevêque Hugues de Toucy. Le pape, qui venait de prendre langue avec des ambassadeurs envoyés par Henri II lui demandant d’appliquer des sanctions contre Becket, refusa et envoya Becket en résidence à l’abbaye cistercienne de Pontigny. Henri II poursuivit de ses tourments l'archevêque fugitif mais Louis VII lui offrit sa protection.
Thomas Becket resta presque deux ans à Pontigny et en 1166 il est nommé, par le pape, légat d’Angleterre. Le 12 juin de cette même année, à Vézelay, il excommunie les évêques anglais qui s’étaient ralliés à Henri II et condamne l’assemblée de Clarendon. Le 2 novembre, il quitte Pontigny et reviens, avec la permission de Louis VII, à Sens où il demeura à l'abbaye de Sainte-Colombe :
«Nous choisîmes, écrira son secrétaire Herbert de Boseham, entre les résidences dépendant du domaine royal, la belle cité de Sens éloignée de douze lieues de notre solitude de Pontigny. Nous fîmes ce choix sur le conseil des habitants, parce que, suivant leurs témoignages, et d’après ce que nous constatâmes nous-mêmes de nos propres yeux, cette ville présentait de nombreux avantages abondante qu’elle est en froment, vin et huile, environnée de forets et agrémentée de belles prairies. Les sources y jaillissent, les rivières y coulent avec abondance et le calme de l’automne y amène d’abondantes récoltes de tous fruits du sol. Mais nous fûmes attirés surtout par le caractère des Sénonais. Ce qui nous fût plus sensible encore, c’étaient les mœurs cultivées et l’urbanité du Clergé et des habitants».
Le martyr de Thomas Becket
(vitrail de la cathédrale. J.P. Elie, Musées de Sens)
La chasuble (E.Berry, Musées de Sens).
Les habits liturgiques de Thomas Becket. (J.P. Elie, Musées de Sens.)
Le 21 juillet 1170, un accord de paix est conclu à Fréteval entre Becket, accompagné de Guillaume de Champagne, alors archevêque de Sens et légat du Saint-Siège, et le Roi. Thomas rentre en Angleterre, débarque à Sandwich le 1er décembre et deux jours plus tard, arrive à Canterbury où il célèbre Noël devant une foule considérable acquise à ses principes. Mais les deux parties restent cependant inconciliables. La tension est désormais trop forte pour éviter l’inévitable. Une phrase du roi, prononcée à Bayeux «De tous les lâches qui mangent mon pain, n'y aura-t-il personne pour me débarrasser de ce prêtre turbulent ? » fut interprétée comme un ordre par quatre chevaliers anglo-normands, Réginald Fitzsurse, Hugues de Morville, Guillaume de Tracy et Richard le Breton qui projetèrent le meurtre de l'archevêque. Le 29, ils passèrent à l’acte et l’assassinèrent sauvagement, à coups d’épées et de dagues, au pied de l'autel de la cathédrale de Canterbury. Henri II, condamné par l’Eglise et peut-être pris de remords, fit pénitence à Avranches en 1172 et revint sur les décisions entérinées dans les Constitutions de Clarendon.
Becket fut canonisé par Alexandre en 1173. Faut-il croire que l’Anglais a la rancune tenace ? Toujours est-il qu’en 1538, le roi Henri VIII fera condamner Thomas Becket comme coupable de crime de lèse-majesté, fera brûler ses restes et détruire son tombeau
Gérard DAGUIN
Documentation : Bernard Brousse SAS, Virginie Garret Cerep, 5, rue Rigault Sens.1 Chroniques dite de Clarius.
Sens, siège de la papauté
Le Pape Alexandre III
Élu pape sous le nom d'Alexandre III en 1159, Orlando Bandinelli est né vers 1105 à Sienne et décédé le 30 août 1181 à Civita Castellana. Le 7 septembre 1159, il est élu comme successeur du pape Adrien IV. Mais une minorité de cardinaux pro-germaniques, entièrement dévoués à l’Empereur Frédéric Barberousse élit le cardinal Ottaviano di Monticelli, qui prend le nom de Victor IV. Barberousse réunit alors un concile à Pavie, qui reconnait Victor IV comme seul pape légitime. Alexandre ne perd pas confiance et se fait reconnaitre par les rois de France, d’Angleterre, d’Espagne, de Sicile, de Hongrie et de Jérusalem. (Une histoire qui pourrait être actuelle…).C'est la guerre et l’Empereur envahissant l’Italie force Alexandre III à fuir et se réfugier en France à partir de 1162. En octobre 1163 il se retire à Sens, le cardinal Boson justifiant ainsi cette décision :
«Cette ville était une des métropoles les plus fameuses et était située dans une contrée facile d’accès ; ville archiépiscopale à la tête d’une des provinces ecclésiastiques les plus étendues et les plus anciennes… Une ville royale, réunie à la couronne sous Henri Ier, munie de redoutables fortifications. Sens possédait un Palais royal et Louis VII y venait souvent. Le pape pouvait espérer l’y voir régulièrement d’autant que par son mariage avec Alix, il était devenu le beau-frère de Guillaume de Champagne, futur archevêque de Sens ». *
Il restera à Sens jusqu’en novembre 1165, date à laquelle il rentrera à Rome. Barberousse finira par le reconnaitre comme Pape en 1177 après avoir été battu par
*Le séjour à Sens du Pape Alexandre III, Jean Larcena.
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021