Mais qui était donc Emile Combes, le « Petit père Combes », pourfendeur des dogmes religieux, ardent défenseur de la laïcité, qui mordait dans les Ecritures comme un vampire mordrait dans le cou d’une frêle vierge ? Libre penseur, anarchiste ? Non, un homme qui poursuivait une logique personnelle. Enfin presque…
Sixième enfant d’une famille qui en comptera dix, il nait à Roquecourbe le 6 septembre 1835. Il apprend le latin à l’école publique et se perfectionne avec son parrain, Jean Gaubert, curé de sa paroisse. Ainsi entrera t-il au petit séminaire de Castres, à douze ans, en classe de quatrième, grâce à ses connaissances en latin. Il va poursuivre ses études à l’école des Carmes «école des hautes études ecclésiastiques» et enfin au grand séminaire d’Albi où il porta la soutane et fut tonsuré. Ayant préparé un doctorat, il fut peu après admis docteur ès lettres avec comme sujet Saint Thomas d’Aquin pour la thèse française, et Saint Bernard pour la thèse latine.
Il perd la foi et abandonne l’Eglise au milieu des années 1860. Il entreprend alors de suivre des études de médecine et obtient sa thèse en 1868. Diplômé, il s’installe dans la petite ville de Pons. Il en est élu maire en 1876, et tiendra ce poste jusqu’en 1919. Sénateur en 1885 il devient Président de "La Gauche Démocratique" .
60e président du Conseil des ministres français
et Ministre de l'intérieur
(72e chef du gouvernement)
7 juin 1902 – 24 janvier 1905
Il entre au ministère de l’Instruction publique en 1895 et succède à Waldeck-Rousseau à la présidence du Conseil en mai 1902. Combes évite le plus souvent possible le Sénat, pour se rapprocher de l’idéal républicain, une assemblée unique et souveraine. Il veut aussi utiliser tous les moyens pour favoriser les amis du régime, contre ses ennemis. Une circulaire de Combes aux préfets, le 20 juin 1902, demande de favoriser «des personnages et des corps sincèrement dévoués au régime». Il épure l’administration, la magistrature et l’armée afin d’asseoir durablement l’encadrement républicain et laïque de l’État.
Il mène alors une politique dite du « Combisme » fortement anticléricale à tel point que la France rompt, en juillet 1904, ses relations diplomatiques avec le Vatican. Les prémices de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat vont échauffer les oreilles du Pape : Emile Combes, ne veut-il pas nommer les évêques français, sans solliciter le Saint-Siège ?
A Sens, on ne veut pas être en reste : le Conseil décide de changer la dénomination de douze rues : la rue St-Etienne devient Voltaire, St-Martin, Lepeletier de Saint Fargeau, St Maurice, Victor Petit, St-Sauveur, Savinien Lapointe, St Didier, Jacques Taveau, St Paul, Eugène Delaporte, St-Pierre-le-Donjon, Philippe Hodouard, St-Fiacre, Parmentier, place St-Pierre-le-Vif, Etienne Dolet, rue du Moulin St-Jean, Ambroise Paré, rue du Gué St-Jean, Hugues de Heno et l’Impasse du Moulin des Saints Pères, rue Amédée Guérard.
Combes démissionne en 1905 avant que cette loi ne soit promulguée suite à l’affaire des fiches. Il devient président du Parti Radical en 1911, Ministre d’État dans le gouvernement d’Union Nationale en 1915 et sénateur jusqu’à sa mort en 1921.
L’anticléricalisme dont il fait preuve est relativement paradoxal pour un homme issu d’un milieu religieux et destiné à la prêtrise. C’est pourtant avec intransigeance qu’il applique les lois de 1901 et 1904 sur le droit des associations qui limitent leur liberté d’enseigner aux congrégations religieuses. En 1903, la princesse Jeanne Bibesco, en religion Mère Bénie de Jésus, fondatrice et prieure du carmel d’Alger, plaide la cause de son couvent auprès d’Emile Combes. Naît alors entre eux une imprévisible relation amoureuse. Il a alors soixante-huit ans et elle trente-quatre ! Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais !
Gérard DAGUIN
Documentation : Source historique : Etienne Dodet, Sens à l’heure de la séparation des Eglises et de l’Etat, Société Archéologique de Sens. Bernard Brousse, SAS, Virginie Garret, Cerep 5, rue Rigault Sens.
L’affaire des fiches
L’affaire des fiches concerne une opération de fichage politique et religieux dans l’armée française au début du XXe siècle. Elle fut réalisée par des loges maçonniques du Grand Orient de France à l’initiative du général Louis André, ministre de la Guerre.Désireux de républicaniser l’armée, le cabinet du ministre va souhaiter faire appel à toutes les « associations républicaines, de la franc-maçonnerie comme les autres » pour connaître les opinions politiques des officiers. L’objectif était de faciliter la promotion des officiers républicains qui, selon le général, avaient été défavorisés dans leur avancement. L’affaire des fiches est indissociable de l’affaire Dreyfus. C’est en effet la condamnation du capitaine en décembre 1894 qui va amener l’intervention des mouvements républicains dans la défense du régime, répondant ainsi aux attaques des formations hostiles àla République, y compris celles de la hiérarchie catholique qui, sauf de très rares exceptions, soutiendra toujours la culpabilité de Dreyfus en n’hésitant pas à épouser les thèses antisémites. Dans la pratique, la direction du Conseil de l’Ordre fait passer une circulaire aux vénérables maîtres de chaque loge pour leur demander de rassembler le plus d’informations possibles sur les officiers des garnisons de leurs villes ou départements.
Le 28 octobre 1904, Jean Guyot de Villeneuve un ancien officier d’état-major, élu député nationaliste de Neuilly en 1902, interpelle le gouvernement à la Chambre. Le scandale est énorme et le général André, se défend très mal. Le gouvernement ne se sauve que de justesse en affirmant avoir tout ignoré de ce système. Le 4 novembre, Guyot de Villeneuve revient à la charge, apportant la preuve matérielle de la responsabilité de Louis André. Convaincu de mensonge, le gouvernement est sauvé in extremis par un incident de séance : le député nationaliste Gabriel Syveton gifle sur le banc des ministres le général André, geste qui ressoude pour quelques heures la majorité. Le ministre de
64e et 68e président du Conseil des ministres français
et Ministre de l’intérieur
(76e et 80e chef du gouvernement)
24 juillet 1909 – 27 février 1911
Combes prépare, Briand finalise…
La loi de séparation des Églises et de l’État est une loi adoptée le 9 décembre 1905 à l’initiative du bloc des gauches. Elle remplace le régime du concordat de 1801 et ne trouvera son équilibre qu’en 1924, avec l’autorisation des associations diocésaines. En France, la première séparation est instaurée, de fait, en 1794, par la Convention nationale qui supprime le budget de l’Eglise constitutionnelle. Elle est confirmée en 1795 par le Décret sur la liberté des cultes, qui précise que « la République ne salarie aucun culte ». Cette première séparation prendra fin avec la signature du concordat de 1801.
La République de 1848 fut secouée par une guerre de classes très dure. En réaction à la peur sociale, la bourgeoisie libérale incarnée par Adolphe Thiers se réconcilie avec les conservateurs catholiques. La loi Falloux de 1850 instaure la liberté d’enseignement au bénéfice de l’Église. En juin 1899, Pierre Waldeck-Rousseau forme le cabinet de Défense Républicaine, qualifié par le camp nationaliste de «cabinet Dreyfus». Waldeck-Rousseau s’abstient toutefois de prendre des mesures sur le plan religieux, mais promulgue la loi de 1901 sur les associations. Dès son investiture en 1902, Combes ne cache pas sa volonté de mener une politique «énergique de laïcité». Le Conseil d’État déclare que l’autorisation préalable nécessaire aux congrégations s’imposera désormais à toute école dans laquelle enseignent des congréganistes : les demandes d’autorisations sont refusées en bloc, pour assurer définitivement la victoire du laïcisme anticlérical sur le catholicisme. Ainsi, en juillet 1902, les établissements scolaires non autorisés des congrégations autorisées sont fermés. Une nouvelle étape est franchie en mars 1903 : toutes les demandes d’autorisation des congrégations masculines sont rejetées. En juillet, les congrégations féminines subissent le même sort. L’année suivante, Émile Combes interdit l’enseignement aux congrégations étant entendu que les congrégations enseignantes doivent disparaître sous un délai de dix ans. Combes prépare ainsi une laïcisation complète de l’éducation qui sera poursuivie et menée à bien par Aristide Briand.
Date de dernière mise à jour : 02/07/2021